Petit aperçu des villes fréquentées par nos ancêtres. A la base, ce sont de véritables vendéens depuis …. toujours ? Mais c’est en Loire Inférieure (pardon Atlantique) qu’ils vont prospérer avant de … revenir en tout près de la Vendée .
Comme toujours [chez moi], mes recherches se font par sédimentation, espacées parfois de plusieurs années :
– une première couche avec la récupération des dates & lieux ;
– une seconde couche avec la vérification des dates & lieux ;
– une troisième couche en documentant chaque date par une copie des registres, voire une retranscription.
(il manque encore la couche : je mets à disposition mes sources et copie d’écran sur geneanet. Je sais pas faire).
Ce week-end là, j’ai voulu revérifier tout cela (couche 2 et 3 en une fois!).
***
Partons ni trop récemment ni trop anciennement de …. Pierre Briand époux de Magdeleine Bonnin.
Nous sommes en Vendée, à Beauvoir-sur-Mer, dans les années 1830. La ville a une population de 2 356 habitants (1831). Elle se situe à 60 km (12 h de marche) de Nantes, à 21 km (4 h de marche) de Challans.
Le pays est recouvert de marais.
Le territoire de la commune borde l’atlantique mais le bourg se situe à une heure de marche de la cote. Le fameux passage du Gois part de son rivage. Il se trouve que l’entretien systématique du passage, venant conforter des usages centenaires, commence dans cette période.
Et l’on commence par le décès de Pierre Briand x Magdeleine Bonin.
[08/12/1833][Décès][Beauvoir-sur-Mer] L’an mil huit cent trente trois et le neuf décembre à midi pardevant nous (aûné?) adjoint au maire de la commune de Beauvoir par délégation de lui y faisant fonction d’officier public de l’État Civil , étant à la mairie de cette commune, sont comparus Joseph (Marivin?), agé de trente sept ans, laboureur, et Jean brisson meunier, agé de quarante six ans, tous deux voisins et amis du défunt ci après dénommé et demeurant en cette commune ; Lesquels nous ont déclaré que hier au soir une heure est décédé au quartier de lampou, pierre Briand, journalier, agé de quarante huit ans, né en cette commune et y demeurant, veuf de Magdeleine Bonin, fils des feux Jacques Briand et de hélène Bonin, et ont les déclarants déclaré ne savoir signer après que
La mère de Pierre est morte. Pierre a un frère Jacques, probablement aîné : il porte le prénom de son père. Et c’est lui qui fait la démarche administrative.
[13/02/1816][Décès][Beauvoir-sur-Mer] L’an mil huit cent seize & le treize février par devant nous maire & officier public de l’État Civil de la Commune & Canton de Beauvoir ont comparus (sic) Pierre Gauthier, cabaretier, agé de quarente (sic) deux ans, et jacques Briand, Journalier, agé de quarente (sic) un ans, ce dernier fils de la défunte & tous deux domiciliés de Beauvoir lesquels nous ont déclarés (sic) que hélène Bonin, veuve de Jacques Briand, agée de cinquante (sic) quatre ans environ, fille de feu ______ (sic) Bonin et de feue ____________ (sic) est décédé le douze de ce mois, vers les quatre heures du soir en son domicile à Beauvoir, & ont les déclarants affirmés (sic) ne savoir signer de ce requis après lecture.
Naissance de Pierre Briand, fils de Pierre Briand x Magdeleine Bonin.
[24/08/1809][Naissance][Beauvoir-sur-Mer] L’an mil huit cent neuf & le vingt quatre Aout pardevant nous adjoint à la mairie de Beauvoir département de la Vendée a comparu pierre Briand, laboureur, âgé de vingt quatre ans, demeurant en cette commune qui nous a présenté un enfant de sexe masculin, né aujourd’hui à sept heures du matin de lui déclarant et de magdeleine Bonnin son épouse & auquel il a déclaré donner le prénom de pierreen présence de pierre Bonnin, père agé de soixante huit ans & de pierre Retureau marchand, agé de quarente (sic) huit ans, demeurant en cette commune, qui ont ainsi que le père de l’enfant déclaré ne savoir signer de ce requis après lecture.
Pierre perd son père, Jacques. Mais déjà, ce sont ses deux frangins (Jacques, Jean) qui font les démarches.
[24/03/1809][Décès][Beauvoir-sur-Mer] L’an mil huit cent neuf & le vingt quatre mars pardevant nous maire & officier public de l’État Civil de la Commune & Canton de Beauvoir département de la Vendée ont comparus (sic) Jean Briand & Jacques Briand, laboureurs, demeurant en cette commune, qui Nous ont déclaré que Jacques Briand, laboureur, époux de Hélenne Bonnin agé de cinquante neuf ans, né à Salertaine & demeurant à Beauvoir, fils de feu Pierre Briand et de feue Marguerite Vrignaud, est décédé aujourd’hui à trois heures du matin dans sa maison, quartier du grand pont & ont les dits enfants du défunt déclaré ne savoir signer de ce requis après lecture.
Pierre se marie avec sa belle Madeleine. Mais … il s’appelle Jean Pierre
[01/10/1808][Mariage][Beauvoir-sur-Mer] L’an mille huit cent huit et le premier d’octobre avant midi
acte de mariage de jean pierre briand garçon agé de vingt deux ans né à beauvoir le cinq janvier mil sept cent quatre vingt six et y demeurant fils mineur de jacques briand et de luce bonnin demeurant aus cette commune de beauvoir présent et conentant au dit maraige d’une part,
et de magdeleine bonnin fille agée de vingt trois ans née à beauvoir le six janvier mille sept cent quatre vingt cinq et y demeurant, fille majeure de pierre bonnin demeurant à beauvoir présent et consentant au mariage et de feue jeanne hervé
les actes préliminaires dont les extraits de naissance des époux duement la forme (…) de publication s de mariages faites à beauvoir les dix huiit et vingt cinq du mois dernier, publiées et affichées au terme de la loi pendant (….?) jours et sans opposition , de tout (….?) il a été donné lecture par momi offcier public soussigné les deux époux présent ont déclaré prendre en mariage l’un magdelaine bonin, et l’autre jean pierre briand en présence de joseph (…….?) ami de l’époux agé de trente quatre ans, de joseph gaborit ami de l’époux agé de quarante cinq ans et finalement de jo(….?) gauthier ami de l’épouse agé de trente trois ans tous cultivateurs demeurant commune de beauvoir.
Après quoi etc…
A la naissance, c’était déjà d’un Jean pierre qu’il s’agissait.
[25/01/1786][Naissance][Beauvoir-sur-Mer] Le vingt cinquième jour de janvier mil sept cent quatre vingt six a été baptisé par nous vicaire sousigné jean pierre né de ce jour fils de jacques Briand et de Luce Bonnin son épouse a été parain (sic) jean Billet et maraine (sic) marguerite Lusteau qui ne signent.
Magdeleine est plus vieille d’un an.
[16/01/1785][Naissance][Beauvoir-sur-Mer] Le sixième jour de janvier mil sept cent quatre vingt cinq a été baptisé par nous vicaire sousigné magdeleine née de ce jour fille de pierre Bonnin et de jeanne Hervé son épouse a été parain (sic) pierre martin et mareine (sic) gabrielle martin qui ne savent.
Avril 1911. Veuf à 29 ans, Raoul est encore bien jeune pour rester seul, d’autant qu’il a deux fillettes en bas âge (5 et 2 ans) à s’occuper.
Le second mariage de (Léon) Raoul peut raisonnablement être situé vers 1912 [à confirmer] si l’on se base sur la naissance de sa troisième fille Madeleine en 1913 selon la tradition familiale [aucune trace à Réalmont].
L’année 1912 a pourtant mal commencé avec le décès d’une des fillettes, Simone Angèle (28 janvier)
Vers 30 ans donc, il épouse une jeune femme de 17 ans, née dans le département voisin à Varen (82) le 21 juin 1895, Marie Louise Angèle dite Angèle LAJOANIO, fille
– de Pierre Theophile Maximine LAJOANIO (domestique) de Ginals (82)
– et de Clarisse Antoinette DROUILLET dite Meyrotte (cuisinière) de Varen (82).
Ses parents travaillent-ils au Château de Varen ?
L’âge de l’épouse conforte l’année 1912 comme étant celle du mariage (plus tôt, cela ferait vraiment tôt pour elle).
Comment et où (Léon) Raoul l’a-t-il connue ?
Les date et lieu du mariage sont à ce jour inconnus.
Pas de traçe à Varen (de avril 1911 à déc 1914).
Pas de traçe à Réalmont (avril 1911 à déc 1914).
Rien à Albi (1912-1922 ) selon TD
Le jeune foyer sera fécond puisque cinq enfants verront le jour : deux garçons et trois filles. Les informations précises les concernant ne sont pas connues et sont couvertes par le « mur des 100 ans ».
Il rejoint la Compagnie des Chemins de Fer du Midi où il aurait été chef de gare.
Né à Réalmont (1882), Raoul fait son service à Castres (env. 1902-1905). Il regagne Réalmont pour se marier une première fois (1905). Raoul a son second enfant à Albi (1909) mais perd sa femme à Réalmont (1911). On le retrouve à Saix (81) pour la naissance de son sixième enfant, Marcelle (1930). Il meurt à Tarbes (1953).
(Léon) Raoul décèdera le 24 janvier 1953 à Tarbes (65), à l’âge de 70 ans.
Angèle décèdera le 23 juin 1955 à Trie-sur-Baïse (65), à l’âge de 60 ans.
Une fois de plus, la confrontation des recherches partagées sur internet (Geneanet au cas d’espèce) fait progresser la connaissance.
Grâce à Patricia Bertrand (ziza65), l’arbre des BERTRAND s’enrichit de deux générations et tutoie désormais l’année 1700 pour la naissance de Louis BERTRAND x Jeanne VIGUIER.
Plus près de nous, un point important avec une piste de mariage pour Raoul BERTRAND x Marie Louise Angèle LAJOANIO en 1921 … soit bien après la naissance de leurs 3 premiers enfants. Piste à confirmer dès qu’on aura une copie de l’acte de mariage.
Mais plutôt que de longs discours, voici déjà la (fraction d’) arbre mise à jour …
L’acte du premier mariage de (Léon) Raoul BERTRAND [Sosa 52] et Maria Antoinette GOURE a pu être retrouvé en balayant année après année les tables décennales [Ce sont des synthèses annuelles des actes constatés dans la commune. C’est très pratique pour repérer rapidement un évènement recherché. Naturellement, il faut ensuite se rapporter à l’état civil classique pour obtenir le détail de ces actes].
L’année 1905 nous livre le point d’entrée : ce sera le 19 août
Transportons nous à Réalmont ce 19 août 1905, écrasé de torpeur estivale.
(Léon) Raoul est … militaire au 3e régiment d’artillerie de Castres (à 22 km au sud de Réalmont). Probablement dans le cadre du service militaire qui dure alors 3 ans (il passe à deux ans grâce à la loi du 21 mars 1905). En tant qu’appelé sous les drapeaux, il a donc du solliciter l’autorisation à sa hiérarchie pour se marier. Si on considère une incorporation classique à 20 ans (donc en 1902), on peut deviner que l’autorisation n’aura pas couté bien cher à l’armée puisque (Léon) Raoul arrive au bout de ses 3 ans. Il est d’ailleurs Maréchal des Logis (= Sergent) soulignant un temps certain passé sous l’uniforme.
A 23 ans, lui le fils d’un domestique (50 ans) et d’une couturière (45 ans) épouse une modiste [façonnage des chapeaux des élégantes, avec rubans et plumes] de 18 ans, Maria Antoinette, fille probablement cadette de Louis Jacques GOURE (facteur à la retraite) (68 ans) et Justine PUJET (61 ans). Elle est – comme lui – de Réalmont (81) où elle naquit le 20 aout 1887. Elle s’est donc mariée la veille de son anniversaire (la majorité est de toutes façons à 21 ans).
Le (grand…) frère de la mariée, Elie GOURE (35 ans), également facteur est présent en tant que témoin.
Paul Bégué (26 ans) et Combes des Costes (22 ans), tous deux Maréchal des Logis au 3e RA, sont à l’évidence les témoins de Raoul.
Raoul BERTRAND sait (joliment) signer :
La signature de son père Jean Louis Benjamin BERTRAND semble moins assurée :
Sa mère Albine JOURDES a intégré son nom marital dans sa signature :
Vers 1906 probablement, le jeune couple aurait eu une première fille (prénom inconnu) que la mémoire familiale verra s’installer aux États-Unis à une date indéterminée. Pas banal.
Le couple est présent à Albi (81) (à 19 km au nord de Réalmont) en 1909 lorsque [Scoop ?] nait un second enfant en la personne de la petite Simone Angèle (7 mars).
Maria décédera le 20 avril 1911, à 23 ans, au domicile de sa mère à Réalmont nous dit l’acte de décès.
Elle laisse deux fillettes avec leur père épleuré.
Comme souvent, il suffit d’un rien mais qui fait tout.
Ce n’est que récemment que m’a été confiée la bribe d’information aussi ténue qu’essentielle, point d’appui sur lequel il était possible de soulever le monde : le lieu de naissance de l’arrière-grand-père Raoul BERTRAND [Sosa 26] ! Il était en réalité de Réalmont (81), à moins de 30 km plus au nord de Castres, à mi-chemin vers Albi.
J’avais le fil qui mènerait à la pelote….
Allons donc fureter du coté de sa naissance, en 1882 à Réalmont.
Magie d’internet (et surtout de la numérisation des actes d’Etat-civil), son acte de naissance (27 juillet 1882) est rapidement trouvé. On découvre évidemment les parents (Jean Louis Benjamin BERTRAND [Sosa 52] et Albine JOURDES [Sosa 53]) et l’on gagne ainsi une 6e génération.
Au passage, Raoul devient, pour l’état-civil, Léon Raoul BERTRAND. Visiblement, son prénom d’usage (celui ayant imprimé la mémoire familiale) est Raoul.
Et le butin ne s’arrête pas là : grâce aux généreuses mentions marginales de l’acte [commentaires rajoutés sur le coté de l’axcte d’état-civil], on découvre ce que l’on ne cherche pas : une inattendue seconde vie de l’aïeul se dévoile. Il a épousé …. une autre femme qu’attendue : Maria Antoinette GOURE !
Ses lieu et date de décès sont également mentionnés (Tarbes, 24 janvier 1953), ce qui nous fait gagner du temps.
Il n’y a que de mauvaises raisons au fait de n’avoir que très peu exploré la généalogie de ma belle-famille. Il fallait s’y remettre.
Comme d’autres sans doute, j’ai buté sur « le mur des 100 ans » qui – paradoxalement – rend plus difficiles les recherches de gens qui nous sont proches dans le temps que celles d’ancêtres vivants il y a plusieurs siècles.
S’agissant des grand-parents (paternels) [4e génération] de mon épouse, j’étais ainsi bloqué des deux cotés
– [paternel-paternel] du grand-père DE LA CRUZ, on connaissait les noms/prénoms des parents et guère plus, pour cause d’éloignement (Espagne)
– [paternel-maternel] de la grand-mère BERTRAND d’Occitanie (comme on dit maintenant), on en connaissait à peine plus.
Pour le premier groupe familial, les travaux ont toujours été repoussés à un ultérieur séjour en Espagne.
Pour le second, la recherche s’avérait compliquée. Raoul BERTRAND [Sosa 26] était en effet chef de gare à la compagnie des chemins de fer du Midi, à Saix (81) en 1930, banlieue de Castres. Typiquement un métier de déraciné, donc sans aucun moyen de savoir d’où il vient. De son épouse LAJOINO, on avait seulement le prénom…
A ce jour, du 17e au 19e siècle inclus, voici les métiers qui ont été identifiés au sein de notre groupe familial, déclinés par générations : [en gras, nos ancêtres directs]
Mathurin (1639-1729) est dit marchand Sarger (1674), Marchand (1684), Lainier (1703).
Mathurin (1684-1728) est Sarger (1711)
Louis-Jean (1695-1775) est dit Sergier, Closier (1728)
Jean (1705-1761) est Sarger (1711)
Louis (1724-1776) : on ne sait pas mais on peut deviner…
Jean (1720-1778) est Marchand, Aubergiste, Sarger
François (1726-1778) est Sargé (1768), marchand d’étoffe
François (1768-1818) est Serger (1794), fabriquant d’étoffe (1805), Maitre Sarge (1810)
Sa 2e femme Marguerite Galernaux est tisseuse (1818)
Michel François (1753-….) est cordonnier
Pierre (1762 – …) est boulanger
Alexis (Pierre) (1796-1871) est teinturier
Sa femme Marie-Perrine Gendrie est fille domestique
Pierre (1800-…) est marchand (1838) et marchand huilier (1840)
René (1803) est Sarger
Louis René (1808) est Cultivateur, Fileur de laine, Sarger
Pierre François René (1786-1846) est Serger (1832)
Alexis Pierre (1841-1911) est Huillier (1871) puis Employé
Sa femme Renée Jaglin est Ouvrière (1866)
Henri Anatole (1838-…) est domestique, cultivateur
Pierre François (1835-1911) est laboureur
Alexis Joseph (1871-1937) est comptable (1903)
Louis (1870- …) est cultivateur
Henri (1870- …) est cultivateur, Bûcheron
Eugène Albert (1874-1954) est soldat
Si l’on prend en compte le fait que certains individus ont plusieurs métiers, on obtient la répartition suivante :
Métiers de tisserand (Sarger, lainier, fileur de laine, tisseuse) : 11
Le profil professionnel de la famille est atypique sans être exceptionnel. Nos plus anciens ancêtres ne vivent pas des fruits de la terre comme l’immense majorité de leurs contemporains mais exercent une activité fortement ancrée autour de la tradition familiale (on la retrouve sur 5 générations et c’est même un monopole pour les deux premières générations) : sarger/serger.
« Le serger se différencie du drapier, car il travaille sur un métier légèrement plus élaboré. C’est-à-dire que si un serger peut faire un drap, un drapier, lui, ne peut pas faire de serge sur son métier. Le métier fut très tôt hiérarchisé, on commençait par être compagnon, puis serger, et enfin maître serger après avoir obtenu ce qu’on appelait la « maîtrise » (comme dans beaucoup d’autres métiers). Les sergers devaient alors se conformer aux règlements instaurés par Colbert, surtout après 1669.
C’est une étoffe de grande qualité jusqu’au Haut Moyen Âge, sur le déclin ensuite pour devenir moyenne et très moyenne dans certaines régions pauvres, et quasiment disparaître et se confondre parmi les « lainages » au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle. Actuellement, elle existe en qualité « luxe » chez les grands couturiers pour homme. »
La serge de laine, par Annie Guyard-Commien (2011)i
Le fil de trame passe sous un, puis sur trois autres fils de chaîne en décalant d’un fil à chaque passage d’où l’effet d’oblique sur l’endroit.
On ne sait pas dire non plus si les fils se mettent à leur compte ou bien sont tout simplement au service de l’entreprise familiale.
La deuxième moitié du XIXe marque une rupture. On relève les premiers métiers très peu qualifiés ou tout du moins, ne relevant pas d’une transmission d’un savoir technique : domestique, employé, ouvrier , laboureur (individu louant sa force de travail pour les travaux des champs) et ce, indépendamment de la branche familiale.
(Il n’est pas inhabituel de voir l’orthographe des noms de famille évoluer lorsque l’on remonte dans le temps. Deux facteurs concourent massivement à cet état de fait : une population majoritairement illettrée et l’absence d’un état-civil développé (pas de papiers individuels octroyés systématiquement, pas de suivi centralisé des individus, etc…).
Dans le cas du nom de famille support des travaux que vous consultez («(le) manceau »), l’apparition/disparition de la particule « le »ajoute une inconnue à l’équation : cette particule aurait-elle disparu avec la Révolution Française (de 1789) pour prendre la distance avec l’ancien régime ?
La lecture attentive des actes divers permet de constater que la transition s’est faite sur une très longue période, par intermittence et, en tout état de cause, a débuté avant la révolution, dédouanant cette dernière de toute influence. A tout le moins, la Révolution et la mise en place d’un Etat-civil séculaire (1792) ont-ils cependant permis de (à peu près) fixer l’orthographe sous sa forme actuelle.
Comme on peut le voir ci-dessous, le nom de famille s’est longtemps cherché sous la plume des curés et officiers d’etat-civil. Dans les actes suivants, voici comment est retranscrit le nom de famille :
En 1674, mariage de Mathurin (père) Lemanceau et Elisabeth Lecerf.
En 1684, naissance de Mathurin, fils aîné de Mathurin (père) Le Manceau
En 1694, mariage de Mathurin (père) Le Manceau et Louise Pointeau
En 1695, naissance de Louis Jean, fils du même Mathurin (père) le manceau.
En 1723, mariage de Louis Le Mansau et Anne Bruslé.
En 1724, Naissance de Louis, fils de Louis Manceau.
En 1729, inhumation de Mathurin Le Manceau.
En 1731, contrat de Louis Lemanceau, sarger.
En 1768, naissance de Louis-René, fils de Louis Manceau et Marie Vaslin.
En 1775, inhumation de Louis Manseau.
En 1794, mariage de françois manceau et françoise le doux.
En 1837, mariage de Alexis manseau et Perrine Gendrie
En 1841, naissance de Alexis Pierre Manceau , fils de Alexis manceau et Perrine Gendrie
En 1866, mariage de Alexis Pierre Manceau et Renée Marie Jaglain (Jaglin à la naissance)
Cela fait des années que je laissais perdurer une fratrie aux dates curieuses…
A l’hotellerie de flée (49), aux confins du Maine et Loire, François Lemanceau et Françoise Ledoux ont en effet toutes les peines du monde à obtenir un petit « Pierre ».
Qu’on en juge par ces trois naissances :
– Pierre 17.11.1798 – 4.2.1799
– Pierre 17.11.1798 (27 brumaire An VII) – 18.11.1798 (28 brumaire An VII)
– Pierre 26.11.1799 (5 frimaire An VIII) – 4.2.1800 (15 pluviose An VIII)
Plusieurs soucis se posaient :
– les deux premiers Pierre ont en réalité la même date de naissance…
– le dernier Pierre (mort à deux mois…) est supposé avoir épousé une Jeanne Rousseau (information dont l’origine s’est perdue mais qu’a priori je n’ai pas à réfuter)
– le premier et le troisième ont une étrange ressemblance dans la date de décès…. qui sent l’erreur de resaisie
Mais surtout, scoop du jour (30.10.2016), il y a la découverte d’un Pierre Manseauvivant ! (en 1838) du coté de Saint Quentin des Anges qui descend de notre couple.
Il fallait tirer cette affaire au clair. Et en grattant mieux les registres, l’on découvre l’origine de cet imbroglio sur les dates…
oOo
En réalité, les 3 premiers Pierre n’en font que 2.
Le 17 novembre 1798 (27 brumaire an VII), à l’Hotellerie de Flée, François Le Manceau et Françoise Ledoux ont leur troisième enfant : Pierre.
Aujourd’hui vingt sept brumaire de l’an sept de la république française à dix heure du soir par devant moi René Bruneau agent de la commune de l’hotellerie de flée département de maine et loire canton de Bouillé ménard dû le dix germinal de l’an VII pour dresser les actes destinés à constater les naissances mariages et décès des citoyens, est comparu en la salle publique de la maison commune de l’hotellerie de flée, françoi manseau serger demeurant au village des anges commune de l’hotellerie lequel assisté de pierre pecquot oncle raporté du coté maternel agé de trente cinq an masçon demeurant au village des anges commune de quantin et de jeanne manseau tante de l’enfant du côté paternel agée de trente ans demeurant aussi au village des anges commune de quantin département de la mayenne, canton de pommerieux a déclaré à moi René Bruneau que françoise le doux son épouse en légitime mariage est accouchée aujourd’hui huit heure du matin d’un enfant mâle qui m’a presanté et auquel il donne le prénom de pierre d’après cette déclaration que pierre pecot et jeanne manseau tesmoins ont du côté certifié conforme à la vérité et la représentation qui m’a été faitte de l’enfant dénommé j’en ai rédigé le présent acte que françois manseau père de l’enfant et pierre pecquot et jeanne manseau témoin on dit ne savoir signer. Fait à la maison commune de l’hotellerie de flée les jours mois et ans susdits.
Huit jours après, le 25 novembre 1798 (5 frimaire An VII), Françoise donne naissance à un second garçon, …. également appelé Pierre (!). On peut en déduire que l’on a eu affaire à des jumeaux décalés dans le temps et que l’aîné est déjà décédé.
Aujourd’hui cinquième jour du mois de frimaire de l’an sept de la république française à six heures du soir par devant moi françois cohon agent de la commune de l’hotellerie de flée département de maine et loire canton de bouillé ménard élue le cinq nivose de l’an cinq pour dresser les actes destinés à constater les naissances mariages et décès des citoyens, est comparu en la salle publique de la maison commune de l’hotellerie de flée, françois manseau serger demeurant au village des anges commune de l’hotellerie lequel assisté de françois ledoux oncle de l’enfant du coté maternel agé de trente quatre ans cordonnier demeurant aussi au village des anges commune de quantin et de jeanne manseau tante de l’enfant du coté parternel agée de vingt neuf ans demeurant aussi aux anges commune de quantin département de la mayenne canton de pommérieux a déclaré à moi françois cohon que françoise ledoux son épouse en légitime mariage est accouchée de ce matin à dix heures d’un enfant mâle qu’il m’a présenté et auquel il adonné le prénom de pierre. D’après cette déclaration que françois ledoux et jeanne manseau tesmoins ont certifié conforme à la vérité et représentation qui m’a été faitte de l’enfant dénommé j’en ai dressé le présent acte que françois manseau père de l’enfant , françois ledoux et jeanne manseau tesmoins ont déclaré ne savoir signer ; fait à la maison commune de l’hotellerie de flée les jours, mois et ans susdits.
(C’est la première fois que j’observe la naissance de jumeaux décalés)
Le petit Pierre ne passera pas l’hiver et décédera le 3 février 1799 (15 pluviose An VII) à dix heures du matin.
Aujourd’hui quinzième jour du pluviose de l’an sept de la république française à quatre heures du soir par devant moi françois cohon agent de la commune de l’hotellerie de flée département de maine et loire canton de bouillé ménard élue le cinq nivose de l’an cinq pour dresser les actes destinés à constater les naissances mariages et décès des citoyens, sont comparu en la salle publique de la maison commune de l’hotellerie de flée, françois manseau serger demeurant au village des anges commune de l’hotellerie agé de vingt neuf ans et père du décédé françois chauvin laboureur agé de trante huit ans demeurant au bourg tesmoins oculaire de l’enterrement et non parent. Lesquels m’ont déclaré à moi françois cohon que pierre manseau est mort aujourdhui à dix du matin dans la maison de son père agé de deux mois dix jours. D’après cette déclaration je me suis sur le champs transporté au lieu de ce domicile je me suis assuré du décès dudit pierre, et en vertu des pouvoirs qui me sont délégués j’en ai dressé le présent acte que françois manseau père de l’enfant et françois chauvin tesmoins ont dit ne savoir signer à la maison commune de l’hotellerie de flée les jours mois et ans susdits
C’est étrange : l’agent d’état-civil évoque (à 16h…) un enterrement. L’enfant est mort à 10h du matin. Cela fait court.
Autre curiosité : l’acte de décès du jumeau ainé n’est pas dressé. Y aurait-il eu une double décalration de naissance pour un même enfant ? C’est peu probable. L’acte de décès est en revanche parfaitement (et inhabituellement) aligné sur la seconde naissance : « deux mois et 10 jours » signifie 70 jours (les mois révolutionnaires font 30 jours). Pile poil l’écart entre 25 novembre et 3 février.
Il n’y a dès lors plus de « Pierre » vivant dans la famille. La place est libre pour prénommer le futur enfant…
Et dans l’année qui suit en effet, François Le Manceau et Françoise Ledoux auront leur sixième enfant : Pierre Manceau qui, lui, vivra plusieurs années. Pas de trace de sa naissance à ce jour.
Illustration : Saint Pierre (1629), de José Ribera, Musée de l’Ermitage